Participer à la programmation cosmique
- Titre
- fr Participer à la programmation cosmique
- Date
- November 30, 2003
- Décennie
- fr Années 2000
- Séquence
- 3
- Ville, État/Pays
- Suresnes, FR
- Lieu
- Fazal Manzil
- Description
- fr Deuxième jour. On approfondit le thème du premier jour, les qualités latentes que nos problèmes personnels peuvent évoquer, et comment la méditation peut transformer notre être. Nous ne sommes pas victimes d’un destin immuable ; on peut renforcer ses qualités émergentes et participer dans la programmation cosmique. Pir Vilayat explique le samadhi et la méthode bouddhiste de mettre une sentinelle à la porte de la perception. On écoute de la musique, et on remonte à tous les niveaux de son être (Mithal, Jabarut, etc.). On crée le temple de son corps. Les problèmes ? Les crises peuvent conduire à la liberté. Ce n’est pas question de volonté mais des émotions et de se laisser bouleverser par la passion du céleste.
- Sujet(s)
-
Pratique de méditation
- musique
- conscience
- liberté
- Type d'événement
- Retraite
- Médium
- Audio
- Transcription
- Taille
- 1:35:25
- Identifiant
- R03F3
- Format
- mp3
- Langue
- fr
- Équipe de numérisation
- Abad
- TajAli Keith
- Hadi Saint-Pierre
- Auteur(s)
- Pir Vilayat Inayat Khan
- Texte complet
-
[0:09] Notre cerveau, c'est-à-dire la manière dont la matière a évolué, nous permet de saisir la pensée du cosmos. En fait, toute la physique est là, toute la science est là. Ce n'est pas découvrir des lois, c'est découvrir de quelle manière le cosmos pense, l'univers pense. Parce que nous pensons tel que l'univers pense. Alors ça c'est la méditation qu'on dit Islam [?].
[1:12] Alors donc, vous avez Hayal, c'est la pensée grossière, et puis ensuite vous avez Mithal, c'est la pensée subtile.
[1:45] C'est-à-dire, en fait, c'est ce qu'on appelle la métaphore. C'est un peu difficile de décrire ce qu'on veut dire par cela. Et ensuite, vous avez le corps très subtil et le mental– c'est la pensée très subtile. Alors le corps très subtil c'est Malakut–c'est le corps céleste, et la pensée très subtile c'est Jabarut. Alors, dans le yoga, c'est Ananda et Asmita; Ananda, Malakut et Asmita, Jabarut. Alors qu'est-ce qu'on veut dire par cela?
[3:13] Pour arriver à la connaissance très subtile, il faut être bouleversé dans une émotion par la passion du céleste. C'est découvrir le céleste en soi qui donne accès à la pensée très subtile. On ne peut pas l'atteindre par la volonté, on ne peut pas l'atteindre par une sorte d'analyse de la pensée. Il faut se laisser bouleverser profondément par tout ce que le niveau céleste de son être comporte de sublime.
[4:24] Et c'est cela que Najmeddine Kubra [philosophe perse] voulait dire par « accéder à sa conscience céleste. »
[4:54] Alors, Jabarut, ça veut dire, en fait, réparer l'erreur.
[5:07] Alors, le transit entre Mithal et Jabarut s'opère par le transit de l'acte de la conscience jusqu'à l'acte de l'intelligence. J'espère que vous pouvez me suivre, ça commence à devenir un peu difficile. A part ça, ça a toujours été difficile, mais maintenant c'est encore plus difficile. Vous voyez, la conscience perçoit et nous interprétons ce que nous percevons. Donc, en fait, nous sommes passifs dans notre expérience du monde, c'est-à-dire dans nos problèmes, ce qu’on considère ses problèmes, On parle de même, pas seulement on perçoit, mais on conçoit ces problèmes par l'acte de la conscience, donc on est passif vis-à-vis de ce qu'on conçoit.
[6:40] Alors, comme on l'a dit tout à l'heure, Dieu se fait connaître à travers des signes, n'est-ce pas ? Donc, nos problèmes sont les signes, notre corps, enfin le monde physique, ce sont des signes, etc. L'intelligence est active. C'est-à-dire qu'on reconnaît, du fait de l'acte de la conscience, quelque chose que l'on connaît, déjà. Par exemple, comment savez-vous qu'une table est ronde ? Parce que la rotondité est inscrite dans votre intelligence. Comment est-ce qu'on sait que un et un font deux ? Ce n'est pas l'expérience. Et Einstein avait vu ça très bien.
[7:54] Il a dit, pour que les conclusions auxquelles on arrive dans nos expériences soient valables, il faut qu'elles satisfassent, qu'elles corroborent ce que nous pensons déjà. C'est tout à fait génial ça, tout à fait génial.
[8:31] Alors, Ibn Arabi dit, Oui, Dieu se révèle à travers des signes, donc Dieu ne peut jamais être l'objet de sa connaissance. Et puis alors, à un certain moment – il dit – et quand on évolue, on arrive à un point où Dieu se fait connaître sans les signes, sans les indications. Directement.
[9:10] Alors voyons, est-ce qu'on pourrait illustrer cela ? Pensez par exemple que Beethoven … vous connaissez Beethoven par sa musique. Alors vous avez une idée de ce qu'est le caractère de Beethoven par sa musique. Et puis, vous lisez une lettre que Beethoven a écrite à son neveu, qui dit, « Je dois te le dire maintenant parce que je suis mourant, mais j'aurais dû te prendre sous mon égide – comme lui avait perdu ses parents – mais j'étais devenu en plus sourd et je ne voulais pas l'avouer. »
[10:18] C'est très difficile pour un compositeur d'avouer qu’il est sourd, vous vous rendez compte. Alors maintenant, vous connaissez Beethoven, non pas par sa musique, mais alors vous comprenez sa musique à travers ce qu'il est. Et c'est ce que les soufis veulent dire: connaître Dieu sans passer par les pistes, par les indications, les signes.
[11:24] Alors ça c'est Jabarut.
[11:52] Oui, c'est ça. Ça, c'est Jabarut. Alors, il y a donc une disparité entre ce que pensait le monde et ce qu'il est, et entre ce que nous pensons être nos problèmes et ce qu'ils sont.
[12:47] Alors, jabarut conduit à lahut, c'est-à-dire qu'elle ouvre la porte, c'est-à-dire l'acte de l'intelligence, plutôt que de se fier à sa conscience. Si, n'est-ce pas, si longtemps que vous vous appuyez à votre conscience, l'acte de votre intelligence n'apparait pas. C'est quand on met en question l'interprétation qu'on fait de l'évidence de la conscience, enfin des données de la conscience, et que l'acte de l'intelligence prend la relève. Alors elle, comment je dis, elle ouvre la porte à lahut, c'est-à-dire, discerner la programmation, disons le logiciel, derrière l'existentiel.
[14:14] Et alors, dans la dimension personnelle, c'est discerner son destin dans les circonstances de sa vie. Discerner son destin dans les circonstances de sa vie.
[15:05] Est-ce que ces circonstances sont programmées, ou alors on intervient dans ce destin par son choix, par sa décision, par son initiative ?
[15:41] Mais ce qui est, comment dirais-je, étonnant, enfin, vraiment incroyable, enfin, difficile à comprendre, c'est que la programmation ne se laisse pas scléroser dans sa décision. Je ne sais pas si vous avez compris que la programmation, c'est-à-dire que derrière tout ce qui se passe, il y a un programme. C'est comme un computer, il y a un programme. Mais non seulement ce programme se laisse modifier, se modifie selon le feedback de l'existentiel ... je vais trop vite, excusez-moi. Imaginez par exemple que votre ordinateur, par exemple… que le logiciel de votre ordinateur est modifié par ce qu'il découvre dans l'existentiel. Je ne sais pas si vous pouvez bien comprendre, c'est difficile à dire.
[17:47] C'est-à-dire que le logiciel n'est pas inchangé, mais se modifie selon l'information qu'il reçoit de son actualisation dans l'existentiel. Alors non seulement ça, mais la programmation, donc, elle se modifie, n'est-ce pas ? Elle n'est pas inchangée, immuable. Mais ce qui est plus, c'est qu'elle ne se laisse pas limiter, disons, par sa planification, sa programmation.
[19:12] Parce que, elle doit être libre, libre vis-à-vis de sa propre volonté. Et nous devons être libres vis-à-vis de notre propre volonté et à l’égard de notre destin. Je ne sais pas si je peux vous faire comprendre, mais ça devient très difficile maintenant.
[20:11] Donc ça c'est lahut, lahut, et maintenant vous allez voir ce qui se passe au niveau existentiel d'une nouvelle manière. Parce que vous allez toujours voir, vous allez toujours saisir la programmation derrière ce qui se passe.
[20:54] Et comme je dis, une programmation qui... qui évolue.
[21:10] Donc dans votre cas, ce qu'on appelle son destin, c'est ce qu'on veut dire par la programmation de sa vie. Vous voyez votre destin, non seulement vous pouvez le modifier par votre volonté, mais ce destin change à mesure que vous évoluez.
[21:50] Donc, on n'est plus du tout dans la causalité. Ou plutôt, comme le dit Ibn Arabi, il y aurait une causalité verticale, si je puis dire, plutôt qu' horizontale. Donc, ce n'est pas la conséquence du passé, mais une détermination de haut en bas, dont parle d'ailleurs le Bouddha.
[22:41] Bouddha parle d'une façon tout à fait mystérieuse, d'ailleurs, et très difficile à concilier avec sa façon ordinaire de penser. Il dit: nous sommes engagés dans le cercle vicieux du samsara, de l'existence. Mais, il dit, nous portons en nous, donc nous héritons, si vous voulez, du fait de nos ancêtres, tout cet engagement dans l'état existentiel. Mais peut-être, à la recherche de la libération et il leur dit – et c'est assez surprenant – on découvre son héritage trans-samsarique. On découvre son héritage trans-samsarique.
[24:00] Les soufis disent – pour les soufis ce serait facile – ils disent: on découvre son héritage divin. Il y a l'héritage de ses parents et puis l'héritage divin. Mais Bouddha ne dira jamais son héritage divin. Mais il dit son héritage trans-samsarique.
[25:51] Au-delà de la programmation, peut-être pourrait-on dire, l'être. L'être. Au-delà de la dualité sujet-objet, il y a l'acte. L'être.
[26:25] Il faut faire la part. Les anciens voyaient ça très bien. Saint Augustin avait vu ça très bien. En allemand, on fait une différence entre « Sein » und « Wesen ». « Sein » et « Wesen ». « Être » et «-exister » en français. Alors, jusqu'ici, nous avons pensé que nous sommes « Wesen », nous sommes des êtres – enfin, je ne sais pas comment traduire en français – existentiels. Et maintenant, on découvre son identité ultime, qui est l'être par excellence, au-delà de temps et d'espace.
[27:42] C'est un peu … peut-être on peut utiliser ça, imaginer, mais c'est seulement une illustration. Imaginez que vous avez pris l'envol dans un engin spatial et que vous êtes allé si loin que vous êtes sorti du monde existentiel. Et vous voyez qu'en fait vous étiez descendu, enfin vous étiez engagé dans l'état existentiel, mais que cela vous a donné des représentations de vous-même, de votre identité, qui sont dues au fait que vous êtes descendu d'un état existentiel. Mais maintenant vous découvrez votre être véritable qui n'est pas du tout votre personnalité.
[29:03] Et c'est pas votre être, parce que c'est l'être cosmique, non pas divisé. Donc, il n'y a pas moyen de décrire ça dans notre logique spirituelle.
[29:37] C'est le samadhi. Alors, quand j'étais jeune, je visitais des rishis dans les Himalayas, et je me souviens d'un rishi qui était assis, enfin il y en a plusieurs naturellement, il y en a un qui était assis dans la neige, et il était, si je puis dire, perdu en Samadhi.
[30:26] Et si on pouvait lire sa pensée, ça serait, imaginez que les gens se laissent leurrer par l'apparence des choses, ils sont tous perdus dans leurs petits problèmes, dans leurs tempêtes dans leurs tasses de thé – comme on dit en anglais. C'est le samadhi.
[31:17] Alors, évidemment, c'est utile d'entrer dans la conscience d'un être réalisé, si je puis dire. Mais il faut le faire soi-même. Voilà, la musique que nous venons de jouer, c'est l'introduction de la Passion selon Saint-Jean de Bach. Elle représente la note de la méditation d'aujourd'hui. C'est l'envol, la percée dans le samadhi. Et ça s'appelle d'une façon stridente: tout d'un coup, c'est comme s'il y avait des nuages et tout d'un coup il y a un trou parmi les nuages et il y a une percée qui remonte à l'infini.
[32:32] Alors, nous allons tout simplement méditer et découvrir les méthodes du yoga. D'abord, il vous est possible de vous tourner intérieurement, de sorte que le monde physique vous semble éloigné, hors de votre portée. Il est là, mais vous n'êtes pas conscient du monde physique, parce que vous avez tourné votre regard vers l'intérieur. Mais, malheureusement, le monde tel qu'il vous apparaît, ce n'est pas tel qu'il est, mais tel qu'il vous apparaît, est encore présent dans votre psyché. Alors, vous retrouvez le monde, comment dirais-je, translaté dans votre psyché.
[34:05] Et en fait, il faut se rendre compte que l'idée qu'on se fait du monde physique est fausse. C'est du maya. Alors, comme je l'ai dit hier, le yoga renverse l'illusion du maya. Elle n'affirme pas tout simplement le maya, elle la renverse.
[34:41] Alors, il y a deux méthodes. L'une que l'on a adoptée hier, c'était de vraiment placer un barrage entre le monde extérieur et l'intérieur, avec l'exercice où on avait mis les index sur les yeux, etc., si vous vous souvenez, c'est une méthode plutôt péremptoire. Et puis, il y a la méthode du bouddhisme, du Bouddha.
[35:28] Et c'est de placer une sentinelle aux portes de la perception, de façon à éliminer, à rejeter ce qui vous perturbe.
[35:56] Parce que cela affecte l'émotion, de sorte qu'on a du mal à méditer, éventuellement on souffre d'une indigestion. Alors comment distinguer les impressions néfastes de l'environnement, du monde au niveau psychologique et les impressions qui sont enrichissantes ? Alors, il se passe dans notre psyché exactement le même phénomène que dans notre corps. Le corps rejette un organe qui ne correspond pas à son ADN. Ainsi, c'est un sens de qui je suis qui va rejeter ce qui n'est pas en consonance avec ce qu'on est.
[37:21] Et cela doit se faire avec beaucoup de véhémence, de force, et on les rejette, comme avait fait le Christ: Éloigne-toi, démon. Éloigne-toi. Et la même chose avec le bouddhisme. Alors ça se fait d'une façon très forte, très intense. Et puis même avec une certaine colère, c'est là où on a le droit d'être en colère, en colère avec ce qui est néfaste, le péché. Lorsque j'étais jeune, je ne croyais pas au péché, maintenant c'est clair qu'il y a des actions qui sont vraiment désastreuses, abominables. Alors on les rejette.
[38:40] Alors, Jasmine n’est pas là. Mais, vous savez la musique, c'est la sixième symphonie de Beethoven, le tonnerre, la foudre. Alors on peut introduire dans la ... la méditation ne se fait pas tout simplement en douceur. Parfois il faut de la force. Alors, on a choisi exactement l'endroit mais je ne sais pas si vous allez le trouver. Oui? Oui. Et vous savez lequel, quel numéro? Je crois que c'est trois mais je ne suis pas sûr mais enfin … Jasmine le saurait, mais je ne me souviens pas maintenant.
Musique: 6ème Symphonie de Beethoven
[41:19] Vous voyez, parce qu'en fait, il y a une sorte de contagion qui s'effectue. On souffre d'une sorte de malaise du fait des impressions néfastes qui correspondent à des latences en nous. Tout cela est présent en nous. En fait, si nous découvrons nous-mêmes, nous allons découvrir l'univers entier. Anges et démons ensemble, comme avait dit Shabistari. Tout est là. Donc il faut une distinction très claire. Ça, ce n'est pas moi. Ce n'est pas ce que je suis dans ma particularité. L'univers. Mais moi, je suis qui je suis.
[42:22] Maintenant, la clé de la méditation c'est, au lieu de tourner son attention vers les circonstances, on se tourne vers les qualités latentes qui demandent à se déployer dans notre psyché. Ça c'est la clé, n'est-ce pas ? Donc, quand vous méditez, vous perdez du temps à penser à vos problèmes. Et c'est ce qu'on fait. Non. Pensez, au départ que, de toute façon, d'abord, ces impressions sont fausses, et d'autre part, vous les avez rejetées. Alors, donc, vous tournez votre attention. Alors, évidemment, il y a une pensée, une considération.
[43:41] Quelles sont les qualités dont j'ai besoin pour confronter les problèmes ? Alors, c'est pour ça que Bouddha dit ne pas rejeter les impressions, profiter des mauvaises impressions, mais on place les sentinelles aux portes de la perception, c'est-à-dire qu'on laisse passer certaines impressions et d'autres on ne laisse pas passer, on les rejette. Exactement comme on fait quand on digère sa nourriture.
[44:25] Mais il faut, comment dirais-je, profiter de ce que ces impressions, de l'information que ces impressions vous apportent, vous confèrent. Alors la première chose, la première démarche. Par exemple, il y a une situation qui me perturbe parce que je ne suis pas en contrôle de la situation. Alors, on conclut qu'il faut donc développer de la maîtrise.
[45:48] Alors, comment développer de la maîtrise?
[46:00] Il faut savoir que toutes les qualités sont latentes dans notre personne et on peut les éveiller. Alors ne dites jamais je n'ai pas de maîtrise, il faut dire tout simplement je n'ai pas jusqu'ici, actualisé cette latence en moi, parce que … et il y a toujours des raisons d'ailleurs, C'est parce que on voit l'abus de la maîtrise : les gens qui s'imposent par leur volonté et pour des raisons personnelles, pour un gain personnel. Alors on ne peut pas être comme eux, n'est-ce pas ? Donc il y a toujours l'envers d'une qualité.
[47:27] Alors, un exemple de maîtrise dans la musique par exemple, un dirigeant d'une symphonie, il arrête l'orchestre et dit, Non ça va pas, non il faut faire autrement, Alors, donc, la maîtrise c'est faire appel à un arrêt de ce qu'on fait et décider qu'on va faire autrement. Décision. Ça ne marche pas comme ça.
[48:17] Et c'est parce qu'on voit l'effet néfaste de sa façon de se comporter. Alors il faut le corriger. Donc, vous voyez qu'il y a quand même une relation entre connaissance et volonté. Reconnaître l'état de la situation et intervenir par sa volonté.
[49:10] Alors, j'ai dit: affirmer qui je suis. Il faudrait peut-être dire: affirmer ce que je peux devenir. Et d'ailleurs, entre parenthèses, si vous lisez la traduction de la Bible de l'Ancien Testament, la traduction juive d'origine, elle ne dit pas « je suis qui suis », elle dit « je suis qui deviens ». Dieu dynamique plutôt que statique. L'attirance de l'avenir est plus grande que la poussée du passé.
[50:19] Vous voyez que, donc, la méditation n'est pas tout simplement dans le domaine de la pensée, mais de l'action et de la transformation de son être. Voilà, donc, pour faire ça, pensez à une situation dans laquelle vous n'êtes pas en contrôle.
[51:02] Et d'abord, le but d'un dirigeant, c'est de contrôler la situation, c'est d'avoir le contrôle.
[52:17] Alors, est-ce que vous avez remarqué qu'au cours de votre vie, il y avait des moments où il semblait que le destin appelait votre attention sur cette qualité de la maîtrise. Parce que vous avez passé par différentes étapes dans votre vie. Il y avait un moment où ce qui était important c'était de comprendre, où ce qui était important c'était de la compassion, c'était de l'amour, où c'était de trouver la joie. Et maintenant, il y a peut-être une phase dans votre vie où vous sentiez qu'il y avait comme une… enfin, le destin attirait votre attention sur le besoin de développer cette latence à vous, cette potentialité, et de l'actualiser.
[53:30] Et donc cette qualité ne peut survenir, ne peut se déployer que si elle est actualisée dans une situation donnée, précise.
[54:06] Alors, maintenant, considérez le problème de nouveau. Peut-être l'enjeu du problème n'est pas un manque de contrôle, peut-être c'est un manque de compassion. Alors demandez-vous parce que, voyez-vous, vous avez à faire à une personne qui a une volonté plus grande que la vôtre. Elle a développé la maîtrise beaucoup mieux que vous. Et plus vous affirmez votre volonté, plus elle va affirmer sa volonté. Donc c'est pas la solution, c'est pas... Peut-être qu'on peut dire particulièrement dans le rapport, la relation du mariage par exemple.
[55:35] Alors, d'abord, ce qui tue un mariage, c'est la critique. Les partenaires se critiquent mutuellement. Alors votre partenaire vous dit, vous êtes naïf et vous croyez cela et puis etc. Et alors, on perd confiance en sa personne quand elle est critiquée. C'est comme un champ de bataille, et vous êtes moins fort que l'adversaire. Alors, les animaux savent ça très bien, on cherche refuge dans un endroit où l'adversaire ne peut pas vous atteindre.
[57:04] C'est votre accordage sublime. Alors ça, ils ne peuvent pas l'atteindre. C'est ça votre protection. Là, ils ne peuvent pas vous atteindre. Alors ils diront, vous êtes naïfs, vous croyez cela, etc. Mais il ne faut pas croire les gens, l'opinion des gens.
[57:42] Et alors la question de savoir: Est-ce qu'on peut avoir de la compassion pour son adversaire Alors ça c'est très fort, très puissant, Alors, l'adversaire n'apprécie pas qu'on a de compassion pour lui, naturellement. [rire]
[58:17] Voyez, le secret, le secret se trouve dans les paroles de Pir-O-Murshid Inayat Khan: passer à travers toutes les phases de la vie sans se perdre. Sans se perdre. C'est à dire sans perdre son accordage. Et il appelle ça même une passion pour the unattainable – ce qu'on ne peut pas atteindre C'est ça qui fait des héros, une passion pour ce qu'on ne peut pas atteindre; aller toujours plus loin. De toute façon, la réponse est de se maintenir dans un accordage sublime. Ne pas se laisser entraîner sur le champ de bataille. Alors là, il ne peut pas vous atteindre.
[59:41] Alors, c'est exactement comme ce que je dis hier, des gens qui sont torturés font un dédoublement et leur bourreau ne peut pas leur faire du mal. Alors, c'est la même chose du point de vue psychique. Vous êtes dans un état où votre adversaire ne peut pas vous faire du mal. Et d'ailleurs, il ne sait pas comment se comporter vis-à-vis de vous. Alors, il trouve des arguments, mais ce n'est pas très fiable. Ce n'est pas très évident.
[1:00:45] Troisièmement, est-ce que l'enjeu de la situation c'est la vérité ? C'est que vous avez manqué à dire la vérité. Il s'ensuit toutes sortes d'incongruités, des situations ambiguës, ou alors la personne peut traverser un manque de véracité, d'authenticité.
[1:01:30] Alors, encore une fois, c'est une décision que l'on prend, d'annoncer ce qu'on a caché jusqu'ici, même si toute votre vie s'effondre, mais au moins vous allez la reconstruire sur un rocher solide. Et sinon, elle est toujours précaire, elle est toujours à la merci d'une situation désastreuse, d'une catastrophe. Bâtir sur un rocher solide: la vérité.
[1:02:29] Évidemment, on a peur que tout s'effondre déjà, on a très peur.
[1:02:49] Je ne sais pas si vous avez remarqué qu'il y a des situations dans la vie où tout va mal. Peut-être c'est tout le temps comme ça, mais parfois c'est tout ensemble. On a perdu son emploi, on est malade, son partenaire vous a laissé, on a commencé à douter de soi-même. Enfin, on passe par une crise.
[1:03:29] Et on se lamente naturellement et on voudrait quand même continuer son rapport avec son partenaire tel qu'il était. Ca n'est plus possible, ça a changé, ça n'est plus possible. Il faut accepter, il faut lâcher prise. Alors en fait, c'est dans ces circonstances qu'on peut reconstruire sa vie. Et si donc qu'il y ait un compromis, on ne peut pas. Donc, parfois il faut lâcher prise, n'est-ce pas ?
[1:04:32] Et c'est ça, la force qui vous incite à lâcher prise, c'est exactement ce qui fait le sannyasin, l'ermite. C'est… on dit c'est le détachement. C'est pas le détachement. C'est le besoin de trouver de la liberté.
[1:05:07] Alors maintenant vous êtes libre de changer votre vie parce que tout s'est effondré. Maintenant la voie est claire, vous avez le choix pour trouver une vie qui est favorable à votre idéal. Sinon, les personnes autour de vous sont en train d'entraver votre possibilité de mener à bien votre idéal.
[1:06:04] Donc voyez maintenant la qualité qui est l'enjeu de la situation, c'est la liberté. Alors, d'abord on peut se demander: dans quelle mesure est-ce que je suis libre ? Et selon Bouddha: dans quelle mesure est-ce que je suis conditionné ? Et pour Bouddha, la liberté c'est la libération du conditionnement.
[1:07:07] C'est-à-dire, tout mettre en question: sa façon de penser… c'est ce qui s'est passé avec Saint Jean de la Croix.
[1:07:32] D'abord, il a passé par la nuit de l'entraînement, parce que… il commence à se demander si tout ce qu'on lui a appris dans l'Église était vrai. Et qu'on n'aurait jamais osé mettre cela en question, et puis à un certain moment on s'éveille, on se dit, mais les choses ne sont pas comme j'avais pensé. En fait, les choses sont le contraire de ce que j'avais pensé. Et la pensée sur laquelle j'ai été conditionné est fausse. Je dois me libérer du conditionnement de la pensée.
[1:08:52] Alors, évidemment, on passe par la nuit la plus obscure, comme l'avait fait Saint Jean de la Croix, où, ayant écarté tout ce qu'on avait cru, on ne sait pas ce qui est la vérité. Mais c'est une situation très précaire et très dangereuse, et d'ailleurs c'est la raison d'être de beaucoup de maladies mentales, une sorte d'angoisse métaphysique, comme le dit Heidegger. Une angoisse métaphysique. Et heureusement pour Saint Jean de la Croix, il avait toujours une petite lumière à la fin du tunnel. Toujours. Et c'est ça qui l'a sauvé. Il ne savait pas ce que c'était, mais il savait que c'était son secours.
[1:10:19] Et à la fin de sa vie, parce que, voyez-vous, son austérité lui avait conduit à refuser les délices de la méditation – la joie, les délices. Et c'était une femme (elle s’appellait…) qu'il lui a dit, il faut accepter le don divin. Et alors, c'est là qu'il a écrit le livre qui s'appelle « La vive flamme d'amour ». A la fin de sa vie, c'était l'amour inconditionnel qui est le secret divin. Et qu'il a secouru de la négativité de la pensée qui s'effondre.
[1:11:48] Vous voyez, nous en sommes dans la profondeur de notre être, nous venons à la rencontre de précisément cette situation. Qu'est-ce que je fais de ma vie ? Pourquoi est-ce que je le fais ?
[1:12:22] Alors, vous vous souvenez, nous avions dit hier, nous avons commencé à travailler avec la conscience, et nous avons vu ce qui se passe, comment les choses, comment le monde apparaît, comment les situations vous apparaissent lorsque votre conscience se dilate, se répand, devient cosmique, vous vous souvenez, n'est-ce pas ? Et puis quand c'est le contraire, c'est la conscience cosmique qui prend la relève sur votre conscience. Et puis, on a travaillé à se tourner intérieurement pour voir comment le monde apparaît comme une possibilité qui devait être actualisée dans l'existentiel. Maintenant, il y a la troisième étape, la troisième démarche, et c'est hisser la conscience dans sa dimension transcendantale. Et quand on fait cela, d'abord – c'est ça qu'on cherche aujourd'hui, n'est-ce pas, le samadhi, n'est-ce pas – quand on fait cela, alors on découvre qu'il y a une disparité entre le monde et la représentation qu'on a fait.
[1:14:10] Alors qu'on est convaincu que la représentation qu'on a fait est juste. Et c'est ça l'éveil, de mettre en question la représentation qu'on se fait de ses problèmes. Comment se passe-t-il que toute ma vie j'ai pensé que mes problèmes étaient tels que je les avais pensés et c'était faux. Et je meurs sans avoir compris ce qui était l'enjeu. C'est imbécile, on a perdu une chance inouïe. Et ce qui est grave c'est que ça continuera après sa mort. Il faut corriger l'erreur de sa pensée quand on est encore en vie. Donc il y a tout un travail à faire. Alors cette disparité, on la voit très clairement dans la physique. Parce que, voyez-vous, les non-physiciens demandent aux physiciens « qu'est-ce qu'un atome ? » Alors, le physicien est très embarrassé, il dit, eh bien, c'est, par exemple, c'est la salle Pleyel, vous avez un abricot, une pomme au milieu, et puis il y a une cerise qui se promène dans les parois, alors, un atome, c'est ça. Ou alors, un électron, c'est la cerise, et un proton, c'est la pomme, etc. Alors, le physicien est en train d'expliquer l'inexplicable à la mentalité commune de la plupart des personnes. Mais en fait, le physicien sait très bien que ce n'est pas du tout comme ça.
[1:16:26] On ne sait pas où se trouve une particule subatomique, on ne connaît pas sa vitesse.
[1:16:41] Jean Charon avait dit: Imaginez-vous des poissons qui peuvent voler au-dessus de l'eau et puis plonger dans l'eau de nouveau. Alors, on connaît leur vélocité lorsqu'ils sont au-dessus de l'eau, mais on ne sait pas ce qui se passe en dessous. Donc voilà, il y a une disparité entre le monde tel qu'il est et ce que l’on pense qu'il est. Il y a une disparité entre nos problèmes et ce que nous pensons qu'ils sont. Alors, liberté, libération vis-à-vis de l'idée qu'on se fait de ses problèmes. C'est-à-dire, donc, la nuit obscure.
[1:17:46] Mais c'est encore négatif, naturellement, et si les problèmes ne sont pas ce qu'on pense, qu'est-ce qu'ils sont ? Alors, il y a évidemment l'islam, le Coran, qui dit que la réalité est connaissable à travers des indications, des signes, n'est-ce pas ? Que ce soit dans le monde physique ou dans notre psyché. Mais à un certain moment, Ibn Arabi dit, lorsqu'on atteint un certain niveau d'évolution, on connaît la réalité sans le truchement de ses indications, c'est-à-dire directement.
[1:19:04] Je veux dire par là que, en fait, pour comprendre, n'est-ce pas : d'abord, on a dit, bon, l'idée qu'on se fait de ces problèmes, ce n'est pas valable. Bon. Mais alors, quel est l'enjeu de ces problèmes-? Est-ce qu'il n'y a pas un côté positif ? Et c'est là où, justement, comme je dis, le yoga, vous pouvez passer par différentes étapes pour arriver au samadhi. Mais sur le chemin, d'ailleurs, il y a une correspondance à ça – ce qu'on a fait hier, d'ailleurs – sur le chemin, vous avez sabija, c'est-à-dire, la possibilité de voir, de discerner la programmation derrière ce qui se passe dans la vie. Vous voyez ce que je veux dire ? Au lieu de considérer un problème, et de considérer que c'est le résultat d'une situation antérieure, etc. – causalité – vous êtes en train de discerner une programmation – du point de vue personnel, on appelle ça un destin – qui détermine votre situation.
[1:21:11] Alors, évidemment, la question qu'on se pose c'est: est-ce que je suis déterminé ? Dans quelle mesure est-ce que mes situations sont déterminées ? Il y a deux pensées ici : d'abord, par le fait d'intervenir par sa volonté, on est en train de se libérer de son destin.
[1:21:50] Alors, il ne faut pas penser qu'on est victime de son destin.
[1:22:05] Ça, j'espère que c'est facile à comprendre. Mais ce qui est beaucoup plus difficile à comprendre, c'est que le code cosmique, enfin le logiciel, enfin la programmation, ne veut pas se limiter à ses décisions. Exactement comme si vous êtes limité par une décision que vous avez faite. Heureusement, on a le droit de changer d'avis. Alors il y en va de même des destins. Les destins peuvent changer d’avis.
[1:22:49] Il faut que le destin soit libre exactement comme il faut que vous soyez libres, alors il ne faut pas croire que ce qui se passe c'est à cause des destins, parce que les destins peuvent changer. Pour quelle raison ? Parce que le code cosmique évolue. C’est, non seulement le cosmos évolue, mais le code évolue. Donc il est libre de la décision qu'il avait prise avant.
[1:23:51] Mais ce qui est encore plus difficile à comprendre ce qu'on croit le destin est la volonté… On dit la volonté divine et ma volonté et en fait on affecte le destin. C'est-à-dire qu'on contribue à la programmation. Je ne sais pas si vous comprenez. C'est difficile. Parce qu'on pense dualité, destin et moi, alors que je fais partie de ce destin.
[1:24:53] Voilà, alors, donc, au niveau sabija, vous voyez, au lieu de tout simplement considérer vos problèmes, vous discernez une programmation qui n'est pas du tout inchangée, inchangeable, immuable. Et donc vous voyez la relation entre la programmation, tellement aléatoire, n'est-ce pas, et puis les circonstances de votre vie.
[1:26:31] Alors, peut-être, l'enjeu dans la vie, est-ce qu'il est, comme je vais essayer de l'écrire, n'est-ce pas : une impression laisse une marque dans votre être, dans votre psyché. Exactement comme une photographie, par exemple. Ça c'est une impression.
[1:27:25] Mais, peut-être ce qui est le plus curieux, le plus intéressant, c'est que, donc, on peut se servir de cette impression pour fomenter sa créativité. Je vous donne un exemple, et c'est dans la musique. Par exemple, prenez le quatrième concerto de piano de Beethoven. On peut l'écouter peut-être. Bon. C'est le deuxième … je crois que c'est le deuxième mouvement.
[1:28:48] Alors, Beethoven est en train de décrire le monde, l'orchestre, dans l'orchestre. Et puis lui-même, comme pianiste. Alors, le monde est en train de lui lancer un défi. Et il dit j'ai besoin de méditer, je ne peux pas jouer balle avec toi, et puis le monde vient encore avec un défi encore un appel, encore plus véhément et cette fois-ci je t'ai dit que je désirais rester, dans mon for intérieur, ne pas être dérangé, pour reconnaître ça. Et puis, la troisième fois, le monde dit, oui, je comprends, mais il y a de la douleur.
[1:29:54] Et c'est là où Beethoven réagit. Il y a un dialogue. Et il s'ensuit une des plus merveilleuses mélodies que Beethoven n'a jamais composée. Eh bien, cette mélodie ne serait pas venue si ce n'était pas en répondance avec le défi.
[1:30:27] Mais ce n'est pas une réaction, mais on peut dire que le défi n'était qu'un catalyseur qui a fait émerger les potentialités dans l'être de la pensée de Beethoven. Alors donc considérez que votre créativité n'est pas une répondance aux impressions, qu'il y a un élément de spontanéité, mais les situations servent de catalyseurs pour déclencher cette spontanéité créatrice.
[1:31:14] Musique – Beethoven, 4éme Piano Concerto.