Problèmes personnels: catalyseurs de créativité divine
- Titre
- fr Problèmes personnels: catalyseurs de créativité divine
- Date
- November 30, 2003
- Décennie
- Années 2000
- Séquence
- 4
- Ville, État/Pays
- Suresnes, FR
- Lieu
- Fazal Manzil
- Description
- fr Deuxième jour. Dieu n’est pas autre que nous ; en tant que possibilité, Dieu devient une réalité en nous. Dans cette session on passe en revue le samadhi et les étapes qui y mènent. Pir Vilayat explique la différence entre le rishi et le derviche et raconte ses expériences avec les deux : l’un est hors du monde, en silence ; l’autre est dans le monde mais n’est pas du monde. Les paroles et les explications sont des obstacles ; le silence donne une énergie incroyable. Mais la voie soufie est d’être dans le monde. Il explique et guide des pratiques avec la lumière (lumière qui voit et l’intelligence lumineuse), le zikr et le zikr de la lumière. Ces idées sont illustrées par la musique.
- Sujet(s)
- Énergie
- lumière
- musique
- pratiques de méditation
- zikr
- Type d'événement
- Retraite
- Médium
- Audio
- Transcription
- Taille
- 1:35:09
- Identifiant
- R03F4
- Format
- mp3
- Langue
- fr
- Équipe de numérisation
- Abad
- TajAli Keith
- Hadi Saint-Pierre
- Auteur(s)
- Pir Vilayat Inayat Khan
- Texte complet
-
[0:05] Musique (Beethoven, continué du #3)
[0:42] Donc, considérez vos problèmes comme des catalyseurs, qui fomentent votre créativité.
[1:06] Et votre créativité n'est pas tout simplement une répondance, mais émerge des profondeurs, des latences dans votre être qui sont appelées à l'existence par le défi des circonstances. Est-ce que vous pouvez … enfin, je ne vais pas parler pendant quelques instants pour que vous y pensiez.
[2:03] Et je répète ce que j'avais dit au commencement du séminaire hier matin. C'est que, en fait, derrière tout ça, nous participons à la merveille par laquelle le possible devient actuel.
[2:37] C'est-à-dire Dieu – selon les soufis – Dieu en tant que possibilité qui devient une réalité en vous. Ça c'est très nouveau comme façon de penser. Ce n'est pas Dieu là-haut et nous en bas, vers misérables, comme avait dit Pascal. Non. Dieu en tant que possibilité qui devient une réalité. Avicenne avait très bien dit ça, d'ailleurs, et il appelait ça « Essai et passé ». Passé, essai, possibilités actualisées. Donc imaginez que vous êtes en train d'actualiser l'univers, les possibilités infinies de l'univers dans votre personne. Il n'y a aucune limite aux potentialités présentes dans votre être.
[4:08] L'univers est en train d'essayer de s'actualiser en vous.
[4:31] Et votre volonté personnelle est une mise en charge de cette entreprise cosmique.
[5:10] Voilà, bon. Maintenant nous allons passer en revue les différentes étapes qui conduisent au samadhi. Alors, d'abord, ça va être selon Patanjali, selon le yoga sutra de Patanjali. Alors pour commencer ça veut dire que samadhi, c'est l'état ordinaire naturellement, On s'identifie avec son corps, on pense à la matière, etc. Alors ensuite, nirvāṭṭhārka-samādhi.
[6:17] On est en train de remettre en question l'idée qu'on se fait des circonstances. Donc c'est bien ce que j'ai décrit jusqu'ici, nirvāṭṭhārka. C'est-à-dire qu'on est en train de … enfin, comme je dis, de mettre en question son interprétation de ce qui se passe. Alors, ensuite vous avez savichara, c'est-à-dire vous identifiez votre corps subtil, comme on a vu hier, d’ailleurs, dans le soufisme – comme je vous l'ai dit hier. C'est cette faculté de pouvoir s'identifier avec son corps magnétique qui va vous ouvrir la porte pour la survie après la mort.
[7:34] Alors, est-ce que vous pouvez faire ça ? Mon corps est le résultat, est un effet secondaire, le résultat de ce que je suis, le gabarit de mon corps c'est de l'énergie: une configuration particularisée du champ magnétique de la planète et des galaxies.
[8:29] Et c'est un champ. Vous voyez, en physique, on fait une différence entre les particules et un champ. Une particule occupe un emplacement dans l'espace et le temps, alors qu'un champ, c'est comme un vortex, ça n'a pas de frontière. Donc votre champ magnétique n'a pas de frontière. C'est l'énergie de l'univers qui est particularisée en tant que votre corps magnétique. Savichara.
[9:27] Alors, si vous identifiez donc votre champ magnétique, les yogis appellent ça tanmatra, c'est-à-dire subtil. Latif, en soufisme. Alors, il faut maintenant se rendre compte que les paroles limitent l'envergure de notre pensée. Alors, il ne s'agit pas tout simplement comme dans nirvikalpa samadhi, de se libérer de l'interprétation qu’on se fait de ce problème, mais on pénètre davantage dans l'intérieur de la pensée et on voit que nous avons la tendance, enfin, de penser en paroles. Et ces paroles sont définies – donc ont des frontières – elles représentent la fragmentation de la pensée holistique.
[11:17] Et c'est pour ça qu'on découvre tout un autre mode de connaissance dans le silence. C'est la raison pour le silence dans la méditation. Quand on fait une retraite, on est en silence. Et les yogis – parfois on appelle ça muni – ils ne parlent pas. Je me souviens que j'avais fait une retraite. Après la retraite, quelqu'un est venu me voir pour me demander quelle a été mon expérience et je ne savais pas comment le dire. Vous voyez, donc, notre besoin d'expliquer fait obstacle à notre connaissance, ce qui est impliqué derrière ce qui est expliqué.
[12:39] Alors, représentez-vous un anachorète, un ermite, qui a délaissé le monde et il habite la forêt. Je ne sais pas comment il arrive à se nourrir, mais enfin, c'est très difficile, mais enfin, on peut, il faut savoir. Comme les écureuils, ils savent comment se nourrir dans la nature. Bon, alors mettez-vous dans la mentalité de cet ascète qui a quitté le monde et qui est dans le silence. Solitude et silence. Personne ne peut venir attirer votre pensée vers leur façon de penser. Vous êtes libre. Vous avez fait table rase. Et vous n'avez donc aucun souci de vous expliquer, Vous n'avez pas besoin d'écrire un « Keep in touch » ou un « Curriculum » [rire].
[14:22] C'est pour ça que, dans l'Inde, il n'y a pas beaucoup d'explications. Je me souviens d'un rishi qui était assis dans une petite caverne. Je suis allé – après sa mort – je suis allé dans cette caverne. Un tout petit corridor, très petit, très étroit, et puis une toute petite caverne, on ne pouvait pas s'allonger pour dormir. Il était là tout le temps. Puis le matin, à l'aube, il sortait, et il y a des milliers de personnes qui venaient, de l'Inde et de l'Europe également, et de l'Amérique. Et j'étais là. Et je dois dire, il ne parlait pas devant. Les prêtres étaient en train de réciter les Vedas, les Upanishads. Mais son accordage était tellement sublime qu'on est tout emporté par son être. Je sortais de là comme si je marchais sur des nuages, dans un tas d'extase.
[16:04] Alors, évidemment, ça c'est samadhi, à ce point-là, samadhi, mais vous voyez qu'au niveau nirvikalpa, on a fait un pas extrêmement important. C'était de se libérer de l'entrave qui fait obstacle au samadhi et c'est notre besoin d'expliquer en utilisant des paroles.
[16:52] Et il résulte de cela, du travail qu'on a fait à ce niveau-là, pour monter au niveau ananda, qui dans le soufisme c'était malakut, c'est le plan céleste. Alors comme je vous l'ai dit, ce rishi m'a communiqué son extase. Et son extase était dûe au fait qu'il avait, en réalité, passé par là, et puis qu'il s'est libéré de la pensée – la pensée usuelle – du fait du silence.
[17:45] Alors on aimerait … moi j'aimerais bien faire ça, enfin, je l'ai fait, d'ailleurs, quand j'étais plus jeune. Mais enfin, ce qu’on aimerait bien, c’est tirer sa révérence et s'en aller au hasard sur les routes de l'Inde et de Népal. Mais on a des responsabilités, on ne peut pas. On ne laisse pas tomber les gens et la famille, on ne peut pas. On est engagé, ce n'est pas gentil de laisser tomber les gens comme ça. Donc quoi faire?
[18:32] Eh bien, trouver le silence, en soi.
[18:45] C'est à dire, on parle, mais c'est exactement comme on joue avec un enfant, alors on se comprend parce qu'on joue, alors on parle, alors les gens comprennent; c'est ce que je fais avec vous. Je suis en train de parler. Mais, si je parlais tout simplement et je perdais mon accordage, alors ça serait une défaite. Alors ce que je cherche toujours c'est de maintenir mon accordage pendant que je parle. Alors vous pouvez faire ça: vous ne descendez pas dans la mentalité des personnes, vous pensez que ce sont des enfants. Alors vous jouez avec les enfants, mais vous ne vous laissez pas entraîner dans leur façon de penser. Alors c'est ça le silence. C'est le silence.
[20:03] Alors dans votre âme, vous êtes silencieux. Et encore une fois, il faut se rappeler des paroles de Jésus, qui sont absolument critiques, quand il a dit : Ils sont dans le monde, ils ne sont pas du monde. C'est tout à fait autre chose que le sannyasin de l'Inde qui n'est pas dans la vie. Non, on est dans la vie, mais on n'est pas de la vie.
[20:53] Alors, traditionnellement, on dit, on s'est engagé dans la voie. Alors, du point de vue institution, on est devenu le membre d’un ordre, quelconque ordre, yogi ou soufi, n'importe. Ça c'est, comme je dis, l'institutionnalisation de la spiritualité, ce n'est pas important. Ça a une importance, mais relative. Ce qui compte, c'est que l'on s'est engagé dans la voie.
[21:35] Alors, on joue le jeu. Voilà. J'ai une belle maison. C'est très beau à l'intérieur. Très beau. Et, en fait, je suis un peu embarrassé, d'ailleurs, parce que j'aimerais habiter dans une caverne. Mais c'est comme ça. Si j'habitais dans un petit jardin, peut-être vous diriez, non, c'est pas tout à fait ça. Vous savez, l'inverse de l'excellence...
[22:41] je ne sais pas, je ne sais plus le mot – c'est du manque de goût, disons, le manque de bon goût. Mais alors, on pourrait transformer une pièce dans le petit jardin, dans une merveille. Ça dépend de ce qu'on fait. On construit autour de soi les circonstances qui correspondent à son accordage. Alors, si votre chambre est en désordre, c'est un mauvais signe [rire]. Créer la beauté autour de soi. Alors ça, c'est ananda, ne jamais perdre son accordage. Et c'est-à-dire, quand on a l'habitude de méditer, on peut tout d'un coup virer sa conscience dans le cadre de la méditation. Tout d'un coup, on ferme les yeux, on est dans la méditation. On a l'habitude. Et même en plein milieu d'une situation, les gens sont en train de parler, et on ferme les yeux [il rit], et on est dans la méditation.
[24:39] Et on n'est pas particulièrement intéressé par ce que les gens disent parce que ce sont des imbécilités, et on est dans la méditation.
[25:06] Alors vous voyez, par exemple, après la station à la télévision, tout un drame psychologique, etc. Les gens se font tellement de douleur, créent tellement de douleurs. C'est invraisemblable.
[25:42] Donc solitude, liberté, silence. Béatitude. C'est au-delà de la joie, c'est la béatitude. Ananda. C'est la béatitude. Et c'est le mot utilisé par les Tibétains: la claire lumière de la béatitude, the clear light of bliss. La claire lumière de la béatitude. Alors, nous avons vu hier de quelle manière la souffrance peut agir, peut servir de catalyseur, pour arriver à la béatitude.
[26:53] Exactement comme le bourreau ne peut pas vous toucher parce que vous avez un dédoublement au niveau psychologique, les circonstances ne peuvent pas vous toucher parce que vous avez fait un dédoublement spirituel.
[27:29] Mais vous ne vous êtes pas débarrassé de la souffrance, mais vous cumulez la souffrance et la joie en même temps, exactement comme quand il pleut et puis il y a du soleil, il y a un arc-en-ciel.
[28:05] Voyez où la souffrance nous dirige, comment dire, dans notre individualité, et la béatitude est péri-personnelle. Péri-personnelle. Péri, c'est un mot de Stanislav Grof, le grand psychologue. Ca veut dire – ce n'est pas transpersonnel; trans, c'est au-delà de – mais péri-personnel, c'est-à-dire, cela entoure sa personne.
[29:24] On peut souffrir, non seulement dans son corps, naturellement, mais dans son mental, dans sa psyché. Si on se lamente, on se plaint, alors donc la souffrance vous attire dans votre ego individuel. Maintenant, on peut souffrir à cause de la souffrance d'autres personnes. Et d'ailleurs, la seule façon de faire face à cette souffrance … parce qu'aujourd'hui partout dans le monde il y a des personnes qui sont en train d'être torturées, il y a des personnes qui ont peur de la mort, il y a des personnes qui sont en effroi la peur, non seulement de la mort, mais une sorte d'angoisse psychologique qui n'est pas logique…
[30:56] et alors on peut dire que c'est tout l'univers qui souffre et tout l'univers qui arrive à utiliser cette souffrance en tant que catalyseur, pour arriver à la béatitude. En fait, cela est représenté par Jésus sur la croix.
[31:44] On se lamente parce qu'on pense aux terribles souffrances de ce corps suspendu par des clous dans les mains ou dans les coudes. Et qui est dans la béatitude. Mais c'est seulement la dernière minute, parce que, évidemment, toute sa croyance était Dieu en tant que personne : Pourquoi m'as-tu abandonné, comme avait dit David dans ses psaumes: Pourquoi m'as-tu abandonné ? En fait, c'est l'initiation suprême. Tout ce qu'on avait compté vous laisse tomber. On est abandonné de tous les côtés.
[33:22] Mais… alors il a dit: Enlève ce calice, n’est-ce pas? Mais il a fait un transit qu'il ne pouvait plus parler. Alors, c'est Al-Hallaj qui dit ce que le Christ n'a pas pu dire parce qu'il ne pouvait plus parler.
[33:55] Il dit d'abord « J'ai été invité au banquet divin et Dieu m'a convié à boire de son calice qui était du poison. Je n'ai pas pu refuser. » Et puis il dit: Ton abandon de moi est une preuve de ton amour, parce que tu mets à l'épreuve ceux que tu aimes le plus. Alors pensez à ces paroles de Al-Hallaj quand vous pensez à vos problèmes, quand vous lamentez à cause de vos problèmes. Et puis dites: c'est une preuve de ton amour.
[35:19] On met de plus en plus à l'épreuve un enfant intelligent, n'est-ce pas ? Plus il est intelligent, le plus on le met à l'épreuve. Et ça, c'était l'épreuve ultime. Alors, Sainte Thérèse d'Avila était dans un chariot, et il y avait de la boue, le cheval est tombé, le chariot était cassé, elle est tombée dans la boue, et elle dit, « Oh Dieu, est-ce que c'est comme ça que tu traites les gens qui t'aiment ? » [rire].
[36:24] Alors, rappelez-vous que la pensée que nous avons héritée des religions, c'est Dieu en tant que personne qui intervient. Alors, donc, il y a Dieu et nous. Et dans le soufisme, tout est un, naturellement, mais, ça ne veut pas dire que nous sommes Dieu. Nous sommes une condition de Dieu, dit Pir-o-Murshid. Nous sommes une condition de Dieu. Alors, la question, Pir-o-Murshid dit, la question … On demande la question: est-ce que Dieu est une personne ? Et il répond: Ce serait une erreur de nier la personnalité de Dieu. Mais Dieu devient une personne en nous.
[37:52] Vous comprenez ça ? Puisque tout est un, mais ça ne veut pas dire que nous sommes Dieu, nous sommes une condition de Dieu.
[39:00] Voilà. Nous avons déjà approché cette question, mais je crois qu'il faut approfondir cela davantage. Notre sens de culpabilité ... comme j'ai dit, on a du mal à admettre qu'on a fait une faute parce que son estime de sa personne est encore davantage abîmée, et ça peut aller jusqu'à se haïr soi-même, ou alors on cherche des excuses et on est en train de se décevoir soi-même. C'est de l'hypocrisie.
[40:10] Donc comment faire ? Kyrie eleison, Christe eleison, Kyrie eleison … c'est qu'on ne peut pas se pardonner et on demande à être pardonné.
[40:55] Alors, j'ai appris á Mont Athos, par un starets, une pratique des orthodoxes. C'est: Kyrie Eleison. Kyrie Eleison. Kyrie, ça veut dire Dieu, Eleison, pardonne-moi. Donc si vous voulez bien le faire avec moi, on se prosterne avec Kyrie et on se relève avec Eleison.
[41:49] Kyrie, Eleison [répété]
[43:19] Alors, maintenant: Christe eleison. Alors maintenant, on entre dans la conscience du Christ qui a pardonné à ceux qui l'ont torturé. Donc on demande au Christ de nous guérir de notre ressentiment.
[44:13] On est en train de pardonner aux personnes qui vous torturent. Alors c'est Christe eleison [répété]
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[45:42] Voyez, vous pouvez faire ça chez vous, agenouillé, et vous prosterner jusqu'à ce que vous ayez la tête sur le sol, et puis vous relever. En fait, c'est peut-être l'exercice de méditation le plus profond qui soit, parce qu'on s'abandonne totalement dans les mains de Dieu.
[46:33] Et d'ailleurs, dans le soufisme on fait… enfin, dans l'islam on fait la même chose, on se prosterne, la tête sur le sol, et puis on se relève. Le corps participe à l'acte d'abandon de son être dans l'être de Dieu. Alors, tout à l'heure, on avait parlé de la volonté de la maîtrise, mais il faut contrebalancer la maîtrise avec la guidance. C'est-à-dire, être ouvert, être guidé, donc son intervention n'est pas déterminée par sa personne, mais …
[47:41] Et d'ailleurs, si vous méditez la nuit, en face de l'arbre du Bouddha à Bodh Gaya, dans l'Inde, où Bouddha avait atteint l'illumination, vous allez voir qu'il y a des quantités de personnes qui sont en train de se prosterner à plat ventre, puis se relever, puis se prosterner de nouveau, toute la nuit, et des filles, des vieilles personnes. C'est absolument incroyable. Alors, entrez dans leur conscience et vous vous rendez compte de ce que cela leur apporte de s'abandonner totalement et puis se relever. Et donc, maintenant, sa volonté est l'expression de la guidance qu'ils ont reçue lorsqu'ils ont abandonné leur propre volonté.
[50:06] C'est ce que les soufis appellent fana et baqa. Les soufis appellent fana et baqa le renoncement et puis le renouveau de sa personne, du fait de renoncer à la personne.
[50:47] Peut-être que nous pourrions terminer avec le Kol Nidrei de Max Bruch. C'est le repentir. La cérémonie du repentir juive, jouée par un violoncelliste merveilleux.
[51:27] C'est difficile de trouver cette musique parce que, on la trouve dans un CD qui s'appelle Capriccio Italiano. Or, ça n'a rien de capricieux et rien d'italiano. Mais enfin, c'est... je ne sais pas. C'est la bataille des marchands de disques. Le violoncelliste s'appelle Harban [?]. Harban. C'est le maître du vibrato des violoncelles. Alors, vous allez entendre, n'est-ce pas, le repentir, n'est-ce pas, et puis tout d'un coup, le mode change tout à fait, tout d'un coup, et puis une sorte de lumière qui commence à émerger à travers cette souffrance de la culpabilité, et comme une sorte de secours à la dernière minute, à l'onzième heure. Vous allez l'entendre.
[52:48] Musique. Kol Nidrei par Max Bruch. Violoncelliste, Harban.
[1:03:13] La différence entre les yogis et les derviches: Les yogis on les trouve, enfin, les sannyasins, les rishis, on les trouve dans des cavernes isolées dans la montagne, surtout dans les Himalayas. Les derviches on les trouve dans le marché parmi les hommes.
[1:03:45] — Alors, je me souviens que j'avais demandé... Enfin, j'étais invité par l'office du...
[1:04:05] Enfin, c'est fait. Je lui ai demandé où est-ce que je pourrais trouver un derviche. C'était à Karachi. Alors il a dit, voilà, vous suivez tel chemin et vous allez voir un tas de pots de bananes. Alors au-dessus de ce tas de bananes, il y a un derviche qui est assis. Alors, bon, je suis allé. Alors, je lui ai dit, mais pourquoi est-ce que vous ne pouvez pas m'accompagner, me montrer où c'est ? Ah, il a dit, écoutez, ce derviche-là, eh bien, il était tellement fâché avec moi, parce que j'ai triché. Et j'étais tellement ému par son apostrophe que je suis tombé et je me suis brisé la jambe. Alors je lui dis... Mais alors il a dit… mais en fait,
[1:05:23] s'il ne m'avait pas juré, et donc avec le résultat que ma jambe a été abîmée, entamée, j'aurais fait un vol, j'aurais participé au premier vol de Pakistan Airlines, dont je suis le président, qui a été catastrophé. Alors je dis: Alors s’il vous avez sauvé la vie en vous médisant pourquoi est-ce que vous ne vous laissez pas encore médire? Alors il a dit: Une fois ça m'a suffit.
[1:06:14] Alors, imaginez-vous que, vous dites à votre ami: Je cherche l'éveil, qui est-ce qui peut déclencher l'éveil en moi ? Alors il dit: Ah, les derviches. Les derviches, bon. Alors, où est-ce qu'on trouve les derviches ? À Ajmer, par exemple. Alors, vous prenez l'avion jusqu'à Delhi, Et là, je dois dire qu'on est un peu choqués parce que c'est un tout autre monde, c'est très différent.
[1:06:53] Et puis vous prenez le train jusqu'à Ajmer, le train de nuit. Et le lendemain, il y a plein de gens, on appelle ça des khadim, qui viennent vous dire: est-ce que je peux vous aider, vous introduire au dargah de Khwaja Moinuddin Chishti ? Alors vous choisissez celui-ci … c'est difficile parce que chacun s'empresse d'attirer votre attention. Alors il vous accompagne dans sa maison, qui était peut-être un palais dans le temps mais maintenant c'est une ruine, et alors il vous dit, asseyez vous, prenez à l'aise,et puis, je vous apporterai du thé. Et on attend et on attend, et le thé ne vient pas. Il a oublié. Alors, il se fait nuit. Alors, je me couche par terre avec mon sac à couchage, après avoir éliminé avec des moyens de bord les petits insectes qui circulent sur le sol.
[1:08:13] Et puis je m'endors. et puis à un certain moment j'entends une voix rauque, très forte, que je ne comprends pas exactement, mais j’ai pensé que ça voulait dire, Réveille-toi. Alors d'abord j'ai couvert ma tête.[il rit]
[1:08:41] Bon. Alors, le lendemain j'ai dit à mon khadim – la tasse de thé est venue – alors je lui dis ce qu'il s'est passé: « Ah, oui, c'est un derviche qui vient vous réveiller. »
[1:09:00] Alors, je me suis dit: bon, alors demain, je saurais que c'est pour m'éveiller qu'il frappe à la porte, il secoue la porte et il crie. Alors, le lendemain, je commence à m'éveiller, dès qu'il vient, je commence à m'éveiller, mais il est déjà parti. Alors je passe à travers les rues, dangereuses parce qu'il y a des chiens qui vous mordent, et voilà que … je suis là dans le dargah de Khwaja Moinuddin Chishti, qui est… c'est une merveille, des gens qui font la prière, qui font de la musique sacrée… et puis je sens derrière moi une présence et je me retourne, et il fait un signe comme ça à moi. Il me dit: « Toi, là, réveille-toi. » Et puis il est parti. [il rit]. Ça, c'est le derviche.
[1:10:21] Alors, on les trouve partout. On les trouve dans une station, quand on prend de l'essence pour votre voiture. Et voilà qu'un derviche vient et vous parle. Et évidemment, si vous ne comprenez pas le [khamer?], vous ne comprenez pas ce qu’il dit. Et puis il y a des femmes derviches, naturellement. Enfin, tous les soufis sont là. Enfin, c'est l'extase par la découverte de Dieu en soi-même.
[1:11:09] Alors, la pratique, comment dirais-je, centrale du soufisme, c'est le zikr. Le zikr c’est comme un mantra, si vous voulez. Tout le corps participe à la formule: la ilaha illa’la hu. Du point de vue exotérique, ça veut dire, il n'y a qu'un être, c'est Dieu, n'est-ce pas ? Rien hormis Dieu, n'est-ce pas ?
« La, » ça veut dire hormis. Il n'y a rien hormis Dieu. Donc tout est Dieu.
[1:12:00] Les soufis ajoutent: la ilaha illa’hu, c'est à dire « lui » Alors Hu s'oppose à Ana, Dieu. C'est lui. Alors, lorsqu'il y a un mot de Hallaj : Quand plusieurs personnes dans une pièce pensent à une personne qui n'est pas dans la pièce, cette personne est davantage dans la pièce que les personnes qui sont dans la pièce. Alors, on rend Dieu présent; alors, Hu devient Ana.
[1:12:52] Alors, évidemment, il y a plusieurs formules du zikr et des formules très avancées. C'est: la ilaha illa anta – il n'y a de Dieu que toi, « anta. » Et alors celle qui est la plus dangereuse, si je puis dire, enfin, dangereuse, c'est-à-dire désinvolte, si je puis dire, c'est: la ilaha illa’la. Alors ça, comment est-ce qu'on peut se permettre de dire ça si on est dans sa conscience personnelle ? Et c'est en fait ce qu'Allah a fait lorsqu'il a dit « Ana l'Haqq » je suis la vérité, c'est-à-dire je ne suis pas créé, je suis «-Haqq » c'est l’incréé, « haqaiq » c'est le créé. Et d'ailleurs c'est exactement la même parole que Maître Eckhart qui a dit je suis increatus et increabile: je suis incréé et incréable, Et c'est pour ça que al-Hallaj on l’a tué, il a été crucifié …
[1:14:12] torturé, crucifié. Et Maître Eckhart a été en difficulté avec le Vatican. On ne sait pas exactement comment il est mort, mais c'est dans ces circonstances qu'il est mort. Ça a été caché là. Alors, quand on l'a interrogé, il a dit: « je peux seulement dire qu'il y a quelque chose en moi qui est «-increatus et increabile. »
[1:15:00] Alors, peut-être l'essence du soufisme consiste à découvrir ce quelque chose en soi qui n'est pas créé. Qui est la présence divine. Alors, le zikr, c'est vraiment construire un temple avec son corps pour inviter la présence divine. Alors, évidemment, on aime trouver des circonstances favorables pour se mettre dans l'accordage du sacré. Alors on va à l'église, une cathédrale, c'est très beau, la musique, les costumes des prêtres, tout le cérémonial, cela favorise le sens sacré. Mais les Arabes et d'ailleurs les Iraniens sont à l'origine, de toute façon, des nomades. Donc ils ne peuvent pas emporter leur église avec eux, ils sont obligés de créer leur église avec leur propre corps.
[1:16:26] Alors il y a une formule que Pir-o-Murshid nous donne: Je suis le temple de Dieu, mon cœur est l'autel dans le temple de Dieu. Ça c'est le zikr. Alors, on retrouve dans le zikr toutes les quatre étapes que nous avons rencontrées au cours du chemin pendant ces deux journées. La première, c'est quand on dit: LA ILAHA. On tourne la tête … on commence, la tête est tournée vers l'épaule gauche et puis on tourne la tête vers les genoux …genou gauche, genou droit et puis épaule droite. LA …LA … Ça veut dire: ce n'est pas, n'est-ce pas.
[1:17:37] ILAHA. Alors, LA ILAHA. Alors, donc, il y a un mouvement … du fait, c'est comme si on détruisait les barrières, par la négation et donc il s'en suit l'affirmation: il n'y a que Dieu, n'est-ce pas, Donc, LA ILAHA … la conscience se répand, et puis … elle se répand non seulement dans la dimension cosmique mais dans la dimension transcendantale. LA ILAHA ...
[1:18:26] Ensuite la tête descend, elle se tourne vers le plexus solaire et on dit ILLA. Alors c'est exactement ce qu'on a appris à faire, on se tourne intérieurement. Donc, après avoir étendu sa conscience dans l'immensité, on se tourne intérieurement, on plonge dans l'inconnu, le vide … on appelle ça le vide, La ilaha ILLA, et on fait ça d'une façon assez stridente, n'est-ce pas. “La ilaha ILLA” …
[1:19:11] Et puis, ensuite, vous avez LLAH. Alors, on ne dit pas ILLA Allah, naturellement, parce que si vous avez déjà … vous ne répétez pas LA deux fois. Donc, c'est ILLA - ‘LLAH. Alors, c'est très difficile quand on n'a pas l'habitude de dire ça: la ilaha ILLA - ‘LLAH et puis … il y a deux L: ILLA - ‘LLAH. Alors ILLA–on se tourne intérieurement–et ‘LLAH: on se tourne … on monte … on se tourne vers le haut. Donc on passe par les étapes non pas de l'hindouisme mais du soufisme qui est derrière ça, Et on remonte tous les niveaux de son être. Et c'est pour ça que je crois que pour bien faire le zikr, au lieu de tout simplement répéter les mots, il faut avoir passé en revue tous les niveaux de son être. Selon le soufisme, c'est là, c'est ce qui est caché derrière ça.
[1:20:40] C'est ça, voici. Vous voyez ? Alors, il faut avoir fait un travail préparatoire: virer … translater son sens d'identité à partir du corps et puis la pensée qui correspond à l'identité avec le corps, et puis ensuite s'identifier avec son champ magnétique, et puis la pensée qui correspond à cela, Mithal, la métaphore, et puis arrivé donc au niveau céleste. Et c'est là où, justement, les exercices que nous avons faits avec la lumière sont absolument, enfin, péremptoires, Et en fait, peut-être pourrais-je déjà prendre le devant pour dire que le zikr avancé, c'est le zikr de la lumière. Haykal al-Nur, le temple de lumière.
[1:22:09] Alors, quand vous dites, vous faites LA ‘ILAHA, vous pensez d'abord … on pense à un cercle de lumière et puis on arrive à se représenter une spirale de lumière. Son corps ne s'arrête pas à sa peau, n'est-ce pas, et si on s'identifie avec son aura, on est un temple de lumière.
[1:23:03] Et alors on remonte, naturellement, les niveaux. Alors, j'espère que vous vous souvenez des exercices qu'on a fait avec la lumière hier. D'abord on s'est identifié avec son corps–on absorbe la lumière de l'environnement – et puis on la rayonne; et puis on s'identifie avec son aura qui est un vortex et qui est la convergence de la lumière des étoiles. Et alors, vous vous souvenez, j'ai dit qu'à un certain moment on se rend compte que son aura est la structure de ce que l'on est véritablement: le sujet connaissant, plutôt que l'objet connu. Et c'est là un transit très important dont parle Najmeddine Koubra, lorsqu'il dit–et on en a parlé hier – il dit: A un certain moment, vous vous identifiez avec le sujet céleste. C'est-à-dire que le témoin en vous – shahid, le témoin en vous … non seulement la lumière de l'aura, pas seulement la lumière physique, mais la lumière à tous les niveaux. Mais c'est seulement l'infrastructure de ce que vous êtes véritablement, c'est-à-dire le sujet céleste, le témoin céleste.
[1:25:16] Et vous vous souvenez, j'ai dit: Comment est-ce qu'un ange voit les choses ? Et si vous vous souvenez, je vous ai dit, une très grande sensibilité pour ce qui concerne l'ego, pour ce qui concerne la véracité, qui concerne l'accordage. Donc si vous êtes dans cet état ou vous vous identifiez avec le témoin céleste en vous, vous regardez les gens autour de vous et vous êtes sensible à leur accordage. Comme je dis, il y a des personnes auxquelles on a du mal à tendre la main, on a l'impression de salir sa main, et le derviche dit « ne vous approchez pas, je vous brûle ». Et à d'autres, il dit: Venez vers moi.
[1:26:44] Donc nous parlons d'une sensibilité sublime, qui est le fruit de l'évolution, naturellement, d'une personne évoluée.
[1:27:09] Et ce que je n'ai pas dit, mais je le dis maintenant, c'est que, en fait, les soufis – Ibn Arabi, par exemple – distinguent entre la lumière qui est vue et la lumière qui voit. La lumière qui est vue, par exemple la lumière de l'environnement ou la lumière de votre aura et puis la lumière qui voit.
[1:28:01] Alors, la lumière qui voit, c'est l'intelligence lumineuse. La différence entre la conscience et l'intelligence.
[1:28:17] La conscience est passive, l'intelligence projette la lumière sur les choses. Et on devient comme un flambeau qui illumine toute chose. Alors, il y a un exercice à faire que nous avons fait dans le passé. Et il s'agit, après avoir absorbé la lumière de l'environnement à travers tout son corps, jusque dans ses cellules, maintenant on se concentre sur la lumière qu'on absorbe par les yeux. Et d'ailleurs, on peut sciemment suivre le cours de cette lumière qui passe à travers les nerfs oculaires et s'installe dans le cerveau.
[1:29:39] Et maintenant à l’expir. On suit le cours inverse et on – comment dirait-on – on encourage la descente de la lumière dans le cerveau, jusque dans les yeux.
[1:30:17] Alors, vous vous souvenez de l'exercice qu'on avait fait l'autre jour, Yoni Mudra, avec les index sur les yeux, c’est ça? Et j'avais dit, bon, vous ouvrez les yeux à l'expir, et maintenant ce que je vous recommande, ce serait d'inspirer avec les yeux ouverts, donc vous êtes conscient de la lumière qui pénètre dans … passe à travers votre rétine, jusque dans votre cerveau, et puis à la rétention vous mettez les mains en place, et puis à l'expir, vous enlevez les mains et vous êtes conscient de la lumière qui passe à travers vos yeux dans l'environnement.
[1:31:25] C'est un exercice à faire tous les jours. Et quand vous avez fait ça … enfin quand vous avez l'habitude de faire ça, alors quand vous faites le zikr, vous faites le zikr avec les yeux ouverts, et vous tracez avec vos yeux un cercle, et puis une flèche qui descend dans le cercle: le symbole du Graal. Et puis ça rebondit. Alors: la ilaha illa ‘llah – après avoir remué toute la richesse potentielle dans l'intérieur, alors elle émerge.
[1:32:40] Alors c'est tout l'univers qui maintenant se manifeste, s'actualise à travers votre personne. Alors ce n'est pas vous, c'est l'univers entier. C'est donc, vous éveillez, selon Murshid, vous éveillez Dieu. Vous éveillez le Dieu caché en vous, le trésor caché qui désire être connu. La ilaha illa…
[1:33:25] Mais alors… attendez, il faut apprendre à se concentrer tellement sur la lumière de son regard que l'on ne voit pas les objets, n'est-ce pas ? Normalement, c'est l'axe de la conscience. Alors, vous vous entraînez, tous les jours, vous vous entraînez. C'est-à-dire que...
[1:34:07] Je trouve que la façon de procéder c'est de fermer les yeux, et puis, à l'expir, ouvrez les yeux, et concentrez sur la lumière que vos yeux projettent, sans se laisser induire par l'apparence des objets autour de vous. Et aussitôt que vous commencez à voir les choses, alors vous fermez les yeux de nouveau. Petit à petit vous vous habituez à voir, avec les jeux ouverts, à… [continué au #5]
Part of Problèmes personnels: catalyseurs de créativité divine